Une naissance difficile, des pleurs inexpliqués, des nuits impossibles... Pourquoi ne pas faire appel à l’ostéopathie ? Faut-il systématiquement le faire ? Auprès de qui ? Sylvie Roy a interrogé Albert Debouté, un ostéopathe pédiatrique chevronné. Initialement kinésithérapeute en milieu hospitalier et en ville et spécialisé en pédiatrie depuis1999, il enseigne à l’Institut de Formation Supérieure en Ostéopathie (IFSO) et en Italie.
Le rôle de l'ostéopathe et sa déontologie
Qu'est-ce que l'ostéopathie ?
L'ostéopathie est une technique de soins manuels fondée à partir de 1885 par un médecin américain Andrew Taylor Still (1828-1917). Elle vise à rétablir :
- l’équilibre du corps.
- la bonne circulation des fluides et des influx dans le tissu musculaire.
- le bon confort de vie
- des troubles fonctionnels néfastes mais non les pathologies organiques.
Pour A. Debouté, elle s’adresse aux « mal portants » et non aux malades. Ces derniers relèvent de la médecine.
- L'exemple de Julien, 6 mois :
"Julien est amené en consultation pour des troubles du sommeil. Il présente également une toux et de la fièvre. L’ostéopathe doit l’orienter immédiatement vers le médecin, il a probablement une bronchiolite. Il propose de le revoir si le sommeil est toujours perturbé à distance de l’épisode aigu".
Pourquoi choisir un ostéopathe pour son enfant ?
La pédiatrie n’est enseignée dans aucune formation initiale d’ostéopathie. Elle fait l’objet d’une spécialisation ultérieure, après l’obtention du diplôme. Par conséquent, la compétence du praticien ne fait l’objet d’aucun titre spécifique. C’est son éthique qui va lui dicter d’accepter ou non de très jeunes enfants, en fonction de son expérience et de sa spécialisation. Les praticiens « reconnus » bénéficient des recommandations venant de différents spécialistes :
- des pédiatres
- des homéopathes
- des pharmaciens
Il est important de vous renseigner sur la réputation de l'ostéopathe avant de lui confier votre bébé. Le bouche-à-oreille entre mamans est aussi l'une des meilleures méthodes pour consolider une réputation et ainsi être reconnu par ses pairs. Pour évaluer un praticien, un bon critère est le changement induit par la séance. Il doit être manifeste. Le bilan doit être mené dans son ensemble, de la tête aux pieds.
Comment se déroule une séance d'ostéopathie sur un bébé ?
La séance doit être assez longue, une heure ou plus.
L'entretien avec le parent est capital, puisque l'enfant n'est pas en mesure de s'exprimer. Il occupe la majeure partie du rendez-vous. L'ostéopathe vous interrogera dans le détail sur les circonstances de l'accouchement, les troubles pour lesquels vous consultez, le sommeil de l'enfant, la façon dont il est nourri… Bien entendu, cela ne remplace pas le suivi pédiatrique de votre bébé.
Puis, il observera longuement l'enfant de la tête aux pieds avant de le toucher. Si son crâne est déformé (plagiocéphalie) à cause d'un mauvais positionnement, d'un torticolis, l'ostéopathe pourra envisager d'intervenir. En revanche, si la déformation du crâne vient d'une soudure prématurée des sutures crâniennes, ce n'est plus du ressort de l'ostéopathe.
Le soin lui-même doit se faire très délicatement, sans effrayer bébé, ni lui faire mal. C'est une prise en main toute en douceur, parfois imperceptible. L'intervention de l'ostéopathe vise à dénouer les tensions, pas à en créer. L'enfant mis en confiance n'a pas de raison de pleurer. Il est possible qu'il pleure immédiatement après, sous l'effet du relâchement opéré. Dans ce cas, il se calme rapidement tout seul.
A chaque phase de la séance, l'ostéopathe vous conseillera sur les bons gestes au quotidien et vous montrera comment aider votre enfant à se calmer seul.
Les indications de l'ostéopathie
Si votre enfant se porte bien, il n’est pas nécessaire de pratiquer un bilan. Albert Debouté considère qu’il ne faut pas s’immiscer de force dans le démarrage de l’enfant. Ce n’est justifié qu’en cas de troubles identifiés. Dans les premiers mois de la vie (0-6 mois environ), une séance d’ostéopathie peut s’avérer bénéfique, si l'enfant rencontre les troubles suivants :
- du sommeil
- de l'agitation
- de pleurs excessifs
- des coliques
- des régurgitations persistantes malgré un lait épaissi
La consultation peut être est longue. Il faut compter plus d’une heure. L’examen initial envisage l’ensemble de l’enfant, de la tête aux pieds. L’observation puis l’interrogatoire du parent sont des préalables aux gestes de soin.
Les déformations anatomiques, des cas à part
Une naissance difficile peut occasionner une déformation du crâne, un torticolis, une asymétrie pelvienne des jambes ou des pieds. Adoptez les bons gestes pour éviter toutes malformations ou anomalies corporelles.
Le couchage, responsable de déformations crâniennes
Le couchage systématique sur le dos, recommandé pour éviter la mort subite du nourrisson, est également responsable de nombreuses déformations crâniennes. Auparavant, l’alternance des positions de couchage, notamment sur le flanc, réalisait naturellement un « modelage » des cartilages du crâne du bébé.
L'autonomie de l'enfant aide à réduire les malformations
Habituellement la plupart des déformations rentrent dans l’ordre quand l’enfant commence à se retourner seul et trouve de nouveaux appuis. Si les craniocéphalies perdurent, cela peut gêner :
- les yeux : la frontalisation des yeux peut entraîner des problèmes visuels ultérieurs
- les dents : le maxillaire peut être déformé et impacter la mise en place de la dentition
- les oreilles : la chronicité de certaines otites (séreuses)
- la gorge et le nez : des troubles ORL peut aussi s’expliquer par la forme du crâne.
Des déformations orthopédiques à réguler
D’autres déformations orthopédiques (hanches, membres inférieurs, pieds) peuvent être remédiées dans la petite enfance, en accord avec le pédiatre, le kinésithérapeute et en synergie avec d’autres intervenants (orthophoniste par ex.).
Bébé tendu et crispé, que dois-je faire ?
Un bébé ne s'ennuie pas
Trop souvent, devant des pleurs, on se précipite pour bercer l’enfant, lui proposer une distraction :
- de la musique
- une tétine
- un doudou
- une promenade en poussette
Un nourrisson ne s’ennuie pas, c’est une hypothèse erronée et une réponse inadaptée.
L'ostéopathe aide les parents à écouter leur enfant
Si bébé est crispé, agité, sursaute au moindre bruit, est difficile à calmer, dort très peu, cela révèle peut-être des tensions que l’ostéopathie peut dénouer. En observant votre enfant, en vous interrogeant, l’ostéopathe, par son expérience des tout-petits et l’exercice de la patience, vous enseignera comment aider l’enfant à se calmer lui-même. Un ostéopathe spécialisé en pédiatrie pourra vous montrer comment être mieux à l’écoute, rassurer le bébé qui pourra alors se calmer dans un début d’autonomie par rapport à la mère.
Les troubles digestifs chez le bébé
L'alimentation de bébé, tout un art
L’ostéopathe s’attachera d’abord à comprendre de quelle manière vous nourrissez l’enfant. La tétée est-elle trop rapide ? L’angle du biberon permet-il une déglutition correcte ? Ensuite, il travaillera sur les muscles viscéraux, à savoir l’estomac et les intestins pour les détendre et retrouver un péristaltisme (contraction qui permet la progression du bol alimentaire dans le tube digestif) linéaire et non pas spasmodique.
La solution : douceur et gestes au quotidien
Le geste se pratique toujours avec une grande douceur. Il aboutit à une normalisation tissulaire. Les tissus doivent retrouver une bonne mobilité entre eux, le sang circule mieux, les tensions sont dénouées. L’ostéopathe vous conseille dans les gestes quotidiens pour ne pas rompre l’équilibre rétabli par son intervention. Le bienfait se ressent rapidement après la séance. Le but n’est pas de multiplier les séances.
Alors, si votre bébé vous fatigue de façon excessive, s’il démarre mal ou s'ilsouffre de troubles du développement mineurs, pensez à l’ostéopathie. C'est peut-être la solution pour l'aider à (re)trouver son "bien-être".