Jamais je n'aurais pensé donner naissance à un grand prématuré...
Pourtant, je m'en souviens comme si c'était hier. Je suis arrivée aux urgences de la maternité le 7 mai 2015 à 3h30 du matin.. J'étais à peine enceinte de 30 semaines, mais le travail avait commencé. Dès mon admission, tout s'est enchainé. Le monitoring posé, les premiers signes étaient bons : mon bébé allait bien, j'étais rassurée. L'équipe m'a donné les médicaments nécessaires pour arrêter le travail et m’a annoncé que j'allais devoir rester au repos jusqu’à l’accouchement, idéalement 6 semaines plus tard. Dans ma tête, tout était réglé.
Le choc de la césarienne
8 mai, à 5h30 du matin, retour aux urgences pour une césarienne. Tout s'est passé si vite... J'étais en panique, mon mari a à peine eu le temps de rentrer en salle d’opération, que le bébé est né. Il y avait du monde : une équipe pour moi, une équipe pour mon bébé. À 5h59, j'ai entendu son premier cri. On m'a dit qu'il était vigoureux, j'ai souri et pourtant, au fond de moi, je hurlais.
Voyage en néonatologie
Mon bébé a ensuite dû être transféré en service de néonatologie. Mon mari a avancé pour partir avec lui. Puis, il s'est arrêté, s'est retourné et m'a regardé, incapable d’avancer… J'ai vu dans son regard qu’il était déchiré. Je lui ai lancé un semi-sourire, lui ai repété que j'allais bien et qu’il devait accompagner le petit. À contre cœur, il est parti. A peine avait-il passé la porte que j'ai vomi mon âme dans le pot que me tendait l’anesthésiste. J'étais seule, sans mari et sans bébé dans mon ventre ou mes bras.
Moi, maman, déjà ?
Midi. J'ai attendu 6 longues heures avant qu'un infirmier vienne me voir. La raison de sa visite : il fallait tirer mon lait pour le bébé. Je suis tombée des nues. Moi, maman ? Comment fait-on pour tirer son lait ? D'ailleurs, ai-je du lait ? C'est avec ces questions qu'a commencé ma vie de mère…
Avoir un bébé pris en charge en service de néonat', c’est une expérience particulière... et très difficile. Il y a d'abord cette question qui s'impose à nous, mais qu'on n'ose pose pas se poser ouvertement : va-t-il être assez fort ? Les premiers jours, notre bébé ne respirait pas bien, ses poumons n’étant pas encore complètement développés. Chaque fois que nous allions près de lui, il était connecté à une nouvelle machine ou une nouvelle intervention avait été réalisée : l’intubation, la machine si-pap, la bi-pap, la saturation, la lumière bleue pour la jaunisse, les intraveineuses, la transfusion… Un tourbillon d'actes médicaux qui nous semblait sans fin.
Le jour où tout a changé...
11 mai au soir. Trois jours après l’accouchement, mon mari et moi avons touché le fond, abattus par les mauvaises nouvelles. C'est à ce moment que nous avons choisi d'arrêter de vivre cette naissance comme une fatalité. Il était temps d’être positifs, de croire en notre bébé et de nous dire que tout allait bien se passer. C'est aussi là que nous avons décidé qu'il était temps de lui donner un prénom. Nous l'avons écrit sur un papier et sommes allés le voir, avant de lui dire simplement : « Bonjour bébé, c’est papa et maman, on veut que tu saches que tu t’appelles Samuel et que tout va bien aller ». À partir de ce moment-là, Samuel a commencé à aller mieux.
Les bas et les hauts de la grande prématurité
La suite n'a pas été facile pour autant. Les bips-bips des machines nous rendaient fous, l’incubateur nous empêchait d'être aussi proches de Samuel que nous l'aurions souhaité, les autres bébés et leurs problèmes nous replongeaient dans nos difficultés... Mais nous sommes restés positifs. Nous devions respecter la promesse que nous nous étions faite, à trois, en famille.
7 semaines à l'hôpital
En tout, Samuel est resté 7 semaines à l’hôpital. 7 semaines qui ont compté comme triple. Longue, dure, cette expérience a aussi été une incroyable. C'est sûrement difficile à croire, mais avoir un bébé prématuré comporte aussi sa part de merveilleux moments. D'abord, il y a ce lien d'amour si particulier qui se crée entre les membres de la famille. Mon mari a été la personne la plus merveilleuse durant cette épreuve difficile. Fort, doux, attentionné, réconfortant et aimant : il a été le pilier de notre nouvelle petite famille. Je lui en serai éternellement reconnaissante.
Découvrir la force du partage et de l'entraide
Il y a aussi le personnel médical. Les médecins, et surtout les infirmiers, sont des anges tombés du ciel. Ils nous ont tellement appris. C’est simple, lorsque nous avons enfin ramené Samuel à la maison, nous savions tout de lui et tout ce qu'il fallait faire. L’allaitement, le change, le bain, les pleurs, le sommeil, le reflux... En sortant de la maternité, nous savions déjà tout gérer. De plus, les prématurés ont un très bon suivi médical, donc nous avons toujours su que Samuel était en bonne santé. Les parents de nourrissons nés à terme, eux, n’ont pas le luxe de tout savoir sur leur bébé. Enfin, il y le soutien inconditionnel de la famille et des amis. Une force insoupçonnable qu'on ne connaît que dans l'épreuve.
Happy end
Aujourd'hui, Samuel a 17 mois et a dépassé toutes les attentes. Il est grand, beau et fort. Il dépasse le centième percentile en taille et en poids. Il court, il danse, il parle. C’est un magnifique bébé qui n’a rien à envier aux autres en santé.
Ce que j'ai appris de mon expérience...
De la naissance de Samuel, je conserve 1001 souvenirs. J'essaie d'oublier les plus durs. Mais avec le recul, je sais que quelques petits gestes ont fait, pour ma famille, une énorme différence. Voilà les conseils que je peux donner aux parents qui seraient confrontés à une naissance prématurée :
- Dès la grossesse, chanter ! J'avais pris l'habitude de chanter une berceuse à Samuel alors que j'étais encore enceinte de lui. Après la naissance, cela s’est avéré être d’une grande aide, car c’était mon moyen de communication avec lui lorsqu’il était dans la couveuse. Chaque fois que je chantais, il se calmait instantanément.
- Parler au bébé. Il ne faut pas non plus hésiter à parler à son bébé, même dans la couveuse. Il reconnaît votre voix et celle de son papa.
- Evacuer toutes vos pensées négatives et ne pas culpabiliser. C'est un combat "en équipe" et il faut, pour gagner, penser positif. Regarder devant, pas derrière.
- Faire du peau à peau et du portage kangourou. C’est magique et thérapeutique pour le bébé et pour les parents.
- Si vous tirez votre lait, une fois que votre production est bien lancée, il peut être bon de vous permettre de temps en temps de ne pas tirer la nuit. Cela peut être éreintant, il faut savoir se reposer aussi.
- Inclure son partenaire, être reconnaissant de ses efforts, lui laisser du temps et de l'espace s'il le souhaite. Lui/elle aussi vit des moments difficiles. Comme mon mari, c'est le partenaire qui doit souvent s'occuper de tout : l’administration, la communication avec le personnel médical, la communication avec le monde extérieur, l’intendance à la maison, la location du tire-lait, les achats de vêtements de maternité...
- Dormir dès que vous pouvez
- Demander de l’aide pour le quotidien (ménage, repas, etc.)
- Se faire accompagner. Il y a beaucoup de ressources peu connues pour les parents d'enfants prématurés. Il ne faut pas hésiter à contacter les associations spécialisées.
Propos recueillis par Véronique Deiller