Le 31 mai dernier, dans une tribune au "Monde", un collectif de professionnels de la petite enfance a publié un article intitulé "La surexposition des jeunes enfants aux enfants est un enjeu majeur de santé publique". Il remettait au goût du jour les dangers encourus lors d'une "surexposition" des enfants face aux écrans. La pédiatre, Sylvie Dieu, membre de ce collectif, revient sur la question notamment en apportant ses recommandations pour éviter une exposition trop intense aux écrans. Elle insiste notamment sur l’importance des interactions entre un enfant et ses parents, essentielles pour son développement, des instants parfois « volés » par l’utilisation des écrans.
L'arrivée du bébé bouleverse notre quotidien
A l'arrivée d'un enfant, les changements sont nombreux. Il faut réorganiser son quotidien et s'adapter à ce petit être. La vie des parents se déroule donc à un rythme différent. Certains changements s'imposent naturellement, comme nos horaires de sommeil et de repas. Mais de façon étonnante, nos rapports aux écrans ne sont pas remis en question. Même en étant parent, nous continuons à garder certaines habitudes : allumer la télévision, consulter notre smartphone tout au long de la journée, regarder des vidéos, chercher nos mails sur notre IPad... Pourtant de nombreuses études démontrent que ce comportement est préjudiciable pour la relation entre le bébé et nous.
Le bébé est involontairement attiré par l'écran
Si un écran est allumé, le bébé et l'adulte seront attirés par celui -ci. Le regard se porte volontiers vers les mouvements dynamiques, les images animées. Perturbé, l'adulte ne sera plus pleinement dans l'interaction avec le bébé. Pourtant, l'enfant a besoin du regard, du sourire, de la voix, d'être sollicité et de recevoir une réponse en retour. Ainsi il s'éveillera et communiquera en fonction des réactions de son parent. La parole, les mots, les sons sont indispensables à son épanouissement. Pour communiquer avec lui, mettez en place quelques consignes :
- éteignez tous les écrans en sa présence, même lorsqu'il est dos à la télévision
- demandez au père et à vos enfants plus âgés de ne pas jouer à la console ou sur l'ordinateur quand bébé est là
Le bébé se développe grâce aux interactions qu’il a avec son entourage. La présence des écrans diminue fortement ces interactions.
Le rôle du parent, crucial pour le développement de l'enfant
Enfin, tous ces apprentissages doivent se faire en permanence avec votre intérêt et votre soutien :
- gardez un œil sur ses mouvements et ses actions.
- soyez attentif à ses progrès et ses échecs, afin de l'accompagner au mieux.
- encouragez-le, de votre sourire et de votre regard bienveillant afin qu'il ait confiance en lui.
Sans écran, l'enfant développe plus facilement sa dextérité
En grandissant, votre enfant rencontrera de mêmes difficultés face aux écrans. Pour éviter une addiction au numérique et aux écrans, préservez-le:
- éteignez tous les écrans en sa présence: jouez avec lui en procédant par échanges
- manipulez et interagissez avec lui notamment en lui montrant comment l'objet se manifeste. L'objet peut alors être mou, dur, rouler, faire du bruit... Cette méthode lui permettra de s'éveiller au monde et à son entourage.
Les écrans à deux dimensions permettent une manipulation avec le doigt. Ils ne donnent aucun repère dans l'espace. L'interaction est alors plus complexe à déterminer tant les notions temporelles et spatiales sont effacées.
S'épanouir en plein air
L'enfant a besoin de sortir, courir, grimper, apprécier l’espace de son propre corps. Un écran ne permet pas à l'enfant de s'épanouir physiquement.
L'écran n'a aucune vertu éducative
Il est possible de croire que les ordinateurs, les tablettes, les téléphones portables sont des objets aux vertus éducatives et apaisantes Mais selon certaines études, ils mobilisent la totalité de l'attention de l'enfant avec une stimulation continue, qui peut être persistante et stressante. A terme, il ne pourra plus s'en passer. Il est parfois triste de constater que certains parents sont débordés face au comportement démesuré de leur enfant lors d'une confiscation de l'outil numérique. Colères, hurlements dès la confiscation ou l'interruption, au point de provoquer des situations sont si complexes à gérer que certains parents hésitent à se promener au parc ou à aller dans les magasins avec leur enfant.
Des conséquences sur le développement de l'enfant
Les orthophonistes remarquent que certains enfants surexposés souffrent d’un retard du langage. D'autres ne savent plus se servir d'un crayon, ni jouer à la dînette. Leur attention s'est focalisée sur un outil électronique, néfaste pour leur développement cérébral et psychologique. Ils se retrouvent passifs des écrans, entraînés dans un univers virtuel.
Adopter un mode de vie qui ne privilégie pas les écrans
Il est recommandé de ne pas mettre trop souvent l'enfant devant un écran. Certains enfants deviennent dépendants. Afin d'éviter cette situation, voici quelques conseils pour occuper un enfant :
- lire des livres.
- mettre de la musique, chanter
- sortir tous les jours même lorsqu'il est petit.
- jouer avec lui à la dînette, aux jeux d'assemblage ( type Lego, Playmobil...)...
- offrir des jeux qui impliquent la dextérité pour qu'il utilise ses mains et qu'il comprenne les conséquences de ses manipulations.
- être disponible pour lui.
Un premier contact à l'écran à l'âge de 18 mois
Selon l'âge de l'enfant, la durée moyenne devant un écran varie:
- avant 18 mois/2 ans : il ne faut pas exposer l'enfant aux écrans.
- à partir de 18 mois-2 ans : il est tout à fait possible de montrer à l'enfant des images sur l'écran pendant environ 30 minutes.
- vers 3 ans : il est possible d'augmenter à une heure le moment passé devant l'écran, de préférence en 2 fois.
- entre 2 et 4 ans : 30 à 60 minutes par jour suffisent à l'enfant. Les émissions et les applications doivent être bien choisies et doivent être accompagnés par l'adulte d'une explication.
- de 5 à 10 ans : 2 heures par jour suffisent.
- pour l'enfant scolarisé : il est conseillé de suivre les 4 PAS*
A tout âge, il est préférable de ne pas regarder un écran avant d'aller à l'école, pendant le repas, le soir avant d'aller dormir, et surtout lorsqu'on est seul dans sa chambre.
Une harmonie familiale et organisée: l'importance des repas et du sommeil
Les temps de repas et de sommeil rythment une bonne partie de la journée de l'enfant. Mieux vaut donc privilégier ces moments spécifiques dans une ambiance toujours calme et sans écran:
- pour les repas : des horaires fixes: accompagnez-le en restant avec lui dès l'âge de 18 mois.
- pour le coucher et les siestes : des heures fixes de sieste et de nuit en racontant des histoires provenant d'un livre ou de votre imagination. Le doudou et éventuellement la musique doivent impérativement accompagnée le rituel du coucher dans une atmosphère agréable, sans lumière vive. Le papa peut alors participer au rituel. Mieux vaut ne pas énerver l'enfant avec des jeux excitants. L'écran, notamment avant d'aller dormir, excite le cerveau de l'enfant et empêche la mélatonine d'être secrétée (hormone qui induit le sommeil et qui est inhibée par la lumière). Ces règles s'appliquent à l'identique aux enfants plus grands en adaptant les heures de coucher et les temps de sieste.
Ainsi les écrans amènent à de nombreuses réflexions, autant d'un point de vue sociologique que psychologique que cérébral. Il est essentiel de prendre en compte ces éléments lorsque l'enfant est confronté à un outil numérique.