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Essentiel

Les vies multiples du placenta

Le placenta : une éponge protectrice autour du fœtus

Le placenta est la zone d’échange entre la mère et le bébé. Il commence à se développer quelques jours après la fécondation, à partir de la couche de cellules situées autour de l’œuf (issu de la fusion du spermatozoïde et de l’ovule). Ces cellules vont former de fines franges, appelées villosités, qui colonisent la paroi de l’utérus. C’est le placenta qui, via des mécanismes complexes, permet à l’utérus de ne pas rejeter cette sorte de greffe du « corps étranger » que représente le fœtus. Finalement, le placenta est une sorte d’éponge, riche en vaisseaux sanguins, raccordée d’un côté à la circulation maternelle au niveau de l’utérus et de l’autre côté au cordon ombilical du fœtus (lire aussi notre article In utero, le fœtus se développe en lien avec les émotions de sa mère).

Un rôle essentiel pour le bon développement du fœtus

Le placenta a des fonctions multiples et joue un rôle essentiel dans le développement de l’embryon, puis du fœtus.

Un filtre indispensable pour le fœtus...

C’est une sorte de filtre laissant passer :

  • les nutriments du sang de la mère vers celui de l’enfant.
  • l’oxygène du sang maternel est envoyé vers celui de l’enfant.

A contrario, il rejette :

  • les déchets du sang de l’enfant vers celui de la mère.
  • le gaz carbonique de l’enfant via le sang de la mère.

... qui bloque virus et bactéries, mais pas l'alcool et les autres substances toxiques

Le placenta a ainsi un fonctionnement complexe. Il laisse passer certains éléments sanguins bénéfiques (tels les anticorps maternels qui aident le nouveau-né à se protéger des infections), alors que certains virus et bactéries sont bloqués. En revanche, le placenta laisse passer certaines toxines comme l’alcool, la nicotine ou certaines substances contenues dans les médicaments (lire également notre article Zéro alcool pendant la grossesse: une obligation pour protéger bébé).

Des hormones sécrétées par le placenta

Le placenta a également une fonction hormonale importante. En sécrétant par exemple de la progestérone (indispensable au bon déroulement de la grossesse) ou la fameuse HCG, hormone gonadotrophine chorionique (qui est utilisée pour établir le diagnostic de grossesse), la grossesse se passe en douceur, et ce, grâce au placenta.

Le placenta, sacré ?

C’est probablement pour toutes ces raisons que dans certaines cultures, le placenta est l’objet de cultes multiples : incinéré, inhumé, conservé pour des vertus curatives, et même parfois mangé… Cependant, aucune étude scientifique n’a pour l’instant prouvé ces vertus.

Le placenta, expulsé pendant l'accouchement

Une fois que le bébé est né, le placenta n’a plus de rôle et se détache de l’utérus. En général, quelques minutes après la naissance, un ou deux efforts de poussée permettent à la maman d’expulser le placenta. Cette toute dernière étape de l’accouchement est appelée « délivrance » . À l’intérieur de la cavité de l’utérus, la zone où le placenta était inséré se retrouve en quelque sorte à vif. Des contractions vont permettre à l’utérus de se rétracter sur lui-même et empêcher les saignements par un effet mécanique de garrot. Ces contractions utérines, moins fortes que celles qui ont conduit à l’accouchement, sont appelées « tranchées ».

Une "révision utérine" en cas de doute après l'expulsion

La rétraction de l’utérus ne se fait pas correctement s’il reste un morceau de placenta à l’intérieur, ce qui expose la femme à un risque de saignement. C’est pourquoi la sage-femme ou le médecin examinent le placenta, le cordon ombilical qui est inséré dessus, ainsi que les membranes qui entouraient le fœtus. Le placenta a un aspect de grosse éponge sanglante et pèse environ 500 grammes. En cas de doute sur l’intégrité du placenta, le médecin procède à une révision utérine. Cela consiste à glisser sa main couverte d’un gant stérile dans l’utérus afin de ramener d’éventuels restes. Ce geste ne dure que quelques minutes et se fait le plus souvent sous péridurale ou rachianesthésie, rarement sous anesthésie générale.

Une délivrance artificielle en cas de non rejet

Parfois le placenta n’est pas expulsé du tout, soit parce qu’il n’est pas décollé, soit parce qu’il est retenu dans l’utérus rétracté. Au bout de 30 minutes à une heure, le médecin réalise une délivrance artificielle, c’est-à-dire qu’il va retirer manuellement le placenta, selon les mêmes modalités que ce qui vient d’être décrit.

Les cellules souches, trésors du placenta

La conservation du sang du placenta est faite en France depuis de nombreuses année, car ce sang recèle un véritable trésor : les cellules souches. Ce sont des cellules mères de nombreuses cellules de l’organisme qui servent à la réparation et à la recréation de nouvelles cellules dans le corps. Ces cellules peuvent être très utiles en cas de greffe de moelle ou en cas d’irradiation, voire de chimiothérapie pour recréer de nouvelles cellules sanguines. Il est probable qu’à l’avenir, des techniques de reconstruction d’organes soient possibles à partir de cellules souches.

En France, la conservation privée est interdite

La France a fait le choix de créer des banques « allogéniques » c’est-à-dire des banques valables pour tout le monde. Lorsqu’on a besoin d’une greffe on s’adresse à ces banques qui cherchent un greffon compatible. Dans certains pays, le choix est différent, puisque seuls ceux qui ont les moyens (un peu plus de 2 000 euros en 2016) peuvent conserver le sang du cordon de leur enfant, au cas où il en aurait besoin. La probabilité que l’enfant puisse bénéficier de ses propres cellules est si faible, que la France estime que les parents qui dépensent de telles sommes dans des banques privées sont manipulés par celles-ci. Cette conservation privée est donc interdite en France. Lorsqu’il n’y a pas de contre-indication, chaque jeune maman peut effectuer un don de sang du cordon destiné aux banques publiques de France. Un geste qui sauve des vies.

, Gynécologue-obstétricien
Adrien Gaudineau est Praticien Hospitalier au sein du Pôle de Gynécologie-Obstétrique de l'Hôpital Princesse Grace à Monaco. Il est plus particulièrement investi dans la prise en charge des...
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