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Réponse d'expert

Je souhaite un accouchement de convenance, est-ce possible ?

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Nicolas Dutriaux est Secrétaire général du Collège National des Sages-Femmes. Homme sage-femme diplômé d'Etat, il est également technicien en hypnose médicale.> Plus d'informations sur le...

Bonjour Sofia,

A l'heure actuelle, on estime à environ 20% les femmes enceintes  qui ne connaîtront pas un travail spontané en France (autrement dit, ces 20% de femmes enceintes auront soit un déclenchement du travail, soit une césarienne programmée ou en urgence avant le début du travail). Or, bien que les déterminismes de la mise en route des contractions ne soient pas encore totalement connus dans l'espèce humaine, les modèles animaux et les études réalisées chez l'être humain semblent démontrer que le dernier mot est donné au fœtus. C'est à dire que c'est lui qui décidera du meilleur moment pour lui de venir au monde.
En France, il semble donc que 20% des enfants ne bénéficient pas de ce « premier choix » qu'ils ont à faire. D'un point vue plus philosophique, cela reviendrait à dire qu'un être humain, un futur citoyen, est privé de sa première décision, de son "premier droit de vote". 

Les situations acceptables pour une demande

Voici trois situations où le déclenchement dit de convenance est possible :

  • Lorsqu'il y a une raison médicale et un risque pour sa mère, pour lui, ou pour les deux, il semble tout à fait légitime de devancer ce choix et de lui proposer de venir au monde plus tôt que prévu.
  • Lorsque cette décision est prise pour des « raisons non médicales », la question de la légitimité doit se poser. L'équipe de la maternité peut proposer un déclenchement de convenance pour diverses raisons, souvent organisationnelles. Dans tous les cas, la femme reste libre de l'accepter ou non après une information complète sur les avantages et inconvénients attendus et prévisibles de poursuivre ou non la grossesse.
  • Lorsque la demande émane de la patiente, il faut être à l'écoute de ses motivations. Dans votre situation, il est facile de comprendre ce qui peut vous amener à réfléchir à cette question. Toutefois, sachez que même si votre bébé aura le dernier mot, les hormones qui agissent sur le col pour sa maturation et surtout l'ocytocine, qui donne les contractions, sont produites par votre corps. Les situations de stress bloqueront leur production. L'absence de votre conjoint aura donc tendance à avancer ou retarder le début du travail à un moment où il  sera présent (c'est pour cela que beaucoup de femmes débutent leur travail la nuit ou le week-end !).  

Réunir certaines conditions physiologiques...

Le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) et le Collège National des Sages-Femmes (CNSF) ont travaillé sur la question du déclenchement avec la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2008. Voici leurs conclusions pour les déclenchements pour « raisons non médicales » :
Un déclenchement pour une indication non médicale ne peut être envisagé que si les conditions suivantes sont réunies :

  • utérus non cicatriciel (absence de césarienne antérieure notamment)
  • terme précis : à partir de 39 semaines d'aménorrhée  + 0 jours (273 jours = 2 semaines avant la date prévue d'accouchement minimum) 
  • col favorable : score de Bishop ≥ 7 (un col déjà effacé - collé contre la poche des eaux, souple, un bébé déjà bien descendu et prêt à rentrer dans le bassin, ouvert à un ou deux doigts)
  • demande ou accord de la patiente et information des modalités et des risques potentiels.

Il faut donc s'assure que le col soit déjà mûr et que le déclenchement se limitera à un décollement des membranes et/ou à une injection d'ocytocine de synthèse (oxytocine) en quantité la plus faible possible (les tampons vaginaux et les gels vaginaux utilisés pour maturer le col ne sont donc possibles que dans le cas d'une indication médicale). La rupture artificielle des membranes complétera dès que possible la procédure.

L'analgésie péridurale est possible dès le début (avant l'injection d'hormone de synthèse et/ou la rupture des membranes), ou une fois le travail débuté selon vos souhaits.

Des risques à prendre en compte

Il faut cependant considérer les risques :

  • les médicaments utilisés sont des utérotoniques : l'intensité et la durée des contractions sont donc artificiellement augmentées. Il s'ensuit une majoration de la douleur ressentie de votre côté. Il en est de même probablement pour le fœtus.
  • Il existe un risque de sur-stimulation de l'utérus (hypertonie) avec une réduction de l'oxygénation de l'enfant à naître. Cela se traduira sur le monitoring par des anomalies du rythme cardiaque foetal (RCF). Il y a donc une augmentation du risque de césarienne ou d'extractions instrumentales.
  • Le risque d'échec qui conduira également à une césarienne (le col refuse de s'ouvrir). C'est pour cela que, sans raison médicale, le déclenchement ne sera envisagé que si le col est déjà un peu ouvert et que les conditions semblent favorables.  
  • L'oxytocine de synthèse utilisée est reconnue comme augmentant le risque d'hémorragie de la délivrance.

Discuter de son projet bien en amont avec l'équipe médicale

La décision finale sera donc conjointe entre vous et l'équipe médicale qui assurera la surveillance du travail et de l'accouchement. Comme toujours, il est important d'évoquer cette question avec l'équipe lors de vos consultations dès à présent en expliquant votre situation et l'absence prévue de votre conjoint.
Pour vous sécuriser, réfléchissez ensemble à qui pourrait éventuellement le remplacer pendant son absence (quelqu'un de votre famille ? une amie ? Choisissez quelqu'un de confiance).

Et pourquoi pas un accouchement 2.0 ?

Réfléchissez également aux possibilités des nouvelles technologies. Votre conjoint pourrait peut-être participer depuis l'étranger à l'accueil de votre bébé grâce aux moyens de communication par Internet, comme Skype ?
En bref, il va falloir trouver les moyens de vous rassurer dès maintenant car le stress que ces questions occasionnent risquerait de bloquer la maturation du col et de le rendre non favorable, même si l'équipe adhère à votre de déclencher l'accouchement... Bon courage !
 

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