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Semaine du cerveau

A l’intérieur du cerveau des bébés : tout ce qui change de 0 à 1 an

Comment le cerveau des bébés fonctionne-t-il ? Qu’est-il capable de comprendre ? Le développement de l’intelligence chez un très jeune enfant nous émerveille. Il passionne les chercheurs, qui, grâce aux nouvelles techniques d’imagerie, parviennent à mettre en évidence le fonctionnement cérébral en temps réel. Jessica Dubois, chercheuse à l’unité de neuro-imagerie cognitive (INSERM-CEA-Université Paris-Sud), située au centre NeuroSpin de Saclay nous présente les travaux de l’équipe de Ghislaine Dehaene.[1] 

L'observation pour connaître le fonctionnement du cerveau du bébé

Comprendre le développement cérébral du nourrisson sain a toujours motivé les chercheurs. L’observation a longtemps été la seule option possible. On a ainsi étudié au XXème siècle, le comportement des bébés au travers:

  • de leur rythme cardiaque
  • de succion
  • de la durée de fixation d’une image
  • des réactions à divers stimuli

L'utilisation de l'électroencéphalogramme pour analyser le cerveau de bébé

Ces observations indirectes étaient complétées par l’utilisation de l’électroencéphalogramme (EEG). L’EEG permet d’enregistrer l’activité électrique du cerveau au moyen d’un filet d’électrodes placées sur le crâne du bébé. C’est une technique ancienne, non invasive, ne générant aucun inconfort pour l’enfant qui peut rester assis sur les genoux d’un de ses parents. On obtient une bonne précision sur les temps de réponse, en revanche la localisation des régions cérébrales activées est imprécise.

L'apparition de l'imagerie par résonnance magnétique: une avancée majeure

Depuis une vingtaine d’années, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) a révolutionné le travail des scientifiques. Cette technique, non invasive, permet de mesurer le contenu en molécules d’eau et les caractéristiques des tissus cérébraux. L’IRM structurelle explore sur l’enfant endormi le développement anatomique de son cerveau. On a ainsi visualisé les plis du cortex et l’architecture des réseaux de substance blanche, qui sont en place dès la naissance à terme. L’excellente résolution spatiale a conduit à une véritable cartographie cérébrale dès le plus jeune âge. Mais comme une photo, tout mouvement du bébé conduit à une image floue !

L'IRM fonctionnelle, pertinente sur l'enfant éveillé

L’IRM fonctionnelle (IRMf) est, elle, fondée sur la mesure des réponses hémodynamiques liées à l’activité neuronale. Utilisable sur le nourrisson éveillé (ou endormi), elle permet d’identifier les régions cérébrales qui sont activées  par des stimuli (auditifs, visuels,  tactiles…). Elle permet également de cartographier les grands réseaux présents « au repos » (sans stimulation) dès le plus jeune âge. Si la précision topographique est bonne (2-3 mm), l’imprécision sur les temps de réponses reste élevée (mesures toutes les 1 à 2 secondes). La nécessité de placer l’enfant dans la machine IRM rend néanmoins cette technique plus difficile à utiliser chez des enfants âgés de 6 mois à 5 ans, même si les chercheurs ne manquent pas d’inventivité pour préserver leur confort et leur  pateince.

La spectroscopie permet une meilleure résolution temporelle

Depuis quelques années, la spectroscopie en proche infra-rouge (NIRS en anglais), permet de suivre les réponses hémodynamiques avec une résolution temporelle et une précision topographique intermédiaires entre l’EEG et l’IRMf. Avec le filet de capteurs placé sur sa tête, le bébé peut rester avec un de ses parents, mais s’il est éveillé, tout mouvement rend difficile l’interprétation du signal mesuré.  

La croissance cérébrale de l'enfant pendant la grossesse

La croissance cérébrale est spectaculaire à partir du dernier trimestre in utero et dans les premiers mois après la naissance. Le périmètre crânien croît de 14 cm pendant les deux premières années, pour seulement 7 cm dans les seize années suivantes.

La formation des neurones à la fin du premier trismestre de grossesse

Les neurones se forment au centre du cerveau dès la fin du premier trimestre de la grossesse, puis migrent progressivement vers la périphérie pour former six couches dans le cortex pendant le dernier trimestre. C’est aussi le moment où la surface cérébrale se plisse.

"La substance blanche" façonne les zones du cerveau

Les neurones multiplient leurs connexions, se regroupent en faisceaux appelés « substance blanche »Les neurones multiplient leurs connexions, et celles qui les connectent à longue distance se regroupent en faisceaux qui parcourent la « substance blanche » sous le cortex. Les grands réseaux fonctionnels décrits dans le cerveau adulte (visuel, auditif, sensori-moteur, exécutif…) sont observés dès la fin de la grossesse. Tout est prêt à fonctionner, et sera modulé par les interactions environnementales.

Les connexions et les synapses sont formées en excès, une sélection s’effectue ensuite pendant les premiers mois, en fonction de leur utilisation préférentielle, fruit de l’apprentissage de chaque bébé.

Les gaines de myéline, responsables de la transmission de l'infomation dans le cerveau

Parallèlement, certaines cellules dites « gliales » sont à l’origine des gaines de myéline qui entoureront les faisceaux de substance blanche. Ces gaines permettent d’accélérer la transmission de l’information nerveuse entre les différentes régions cérébrales, et se forment à des âges différents selon les fonctions impliquées.Les zones cérébrales organisées en réseaux spécialisés (visuel, auditif, sensori-moteur, exécutif…) sont observées dès la fin de la grossesse. Tout est prêt à fonctionner, et sera modulé par les interactions environnementales. On sait que les synapses sont formées en excès, qu’un tri sera opéré en fonction de leur utilisation préférentielle, fruit de l’apprentissage de chaque bébé.

L'enfant est un être en apprentissage

Le cerveau du nouveau-né possède ainsi à la naissance cent milliards de neurones, dont moins de la moitié sont inter-connectés. Dans l’espèce humaine, la période de maturation post-natale est longue par rapport à la durée de la grossesse.  Le cerveau continue à se développer tout au long de l’enfance ce qui permet une longue période d’apprentissage.

Des régions du cerveau qui se développent à leur rythme

Le développement ne se fait pas de façon homogène dans le cerveau. Le rythme de maturation est différent selon les régions cérébrales. Ainsi, les régions sensorielles et motrices s’organisent les premières, tandis que les régions impliquées dans des fonctions plus associatives sont extrêmement lentes et n’arriveront à maturité qu’après la puberté et même continueront à se modifier tout au long de la vie.

Une co-existence de certaines zones du cerveau

Cependant tous ces réseaux fonctionnels sont formés dès le dernier trimestre de la grossesse. Dès la naissance, chaque bébé a des capacités de mémorisation et de reconnaissance, par exemple de mélodies et de goûts auxquels il a été exposé in utero. Les interactions humaines après la naissance, les stimuli sensoriels (auditifs, visuels notamment) propres à chaque individu, l’alimentation vont ensuite interagir avec le développement. De même que les soins et l’affection mettent en jeu des régions du cerveau liées à la mémoire et aux émotions. 

La voix maternelle construit le langage de l'enfant

A la naissance, le bébé reconnaît non seulement la voix de sa mère, mais aussi sa langue maternelle. Des expériences montrent qu’il fait la différence par exemple entre l’anglais et le français, qui ont un rythme différent. Il peut associer un mouvement du visage qu’il regarde avec un son particulier (voici un exemple : si vous ouvrez la bouche le son est/a/, si vous étirez les lèvres, le son est /i/). La façon dont on s’adresse au bébé a son importance. Il est parfois recommandé de ne pas parler « bébé », mais lentement, en articulant bien. Spontanément, les mères ont tendance à parler plus « aigu » pour attirer l’attention de leur enfant. Des signes non verbaux lui servent à repérer un moment « d’enseignement », le bébé les lit par exemple dans l’expression du visage du parent. Quoi qu’il en soit, à condition d’être entouré de personnes qui lui parlent, le bébé apprendra à parler sa langue maternelle sans apprentissage « explicite » (contrairement à la lecture par exemple) car son cerveau est « programmé » pour, et le réseau du langage est déjà fonctionnel en fin de grossesse.  

Des caractéristiques sonores enregistrées dès la première année de l'enfant

A la fin de leur première année, les très jeunes enfants ont acquis les caractéristiques sonores de leur langue (rythme, mélodie, phonèmes, règles de combinaison des mots). La neuroimagerie fonctionnelle montre la prééminence de l’hémisphère gauche du cerveau du nourrisson dans le traitement du langage, comme chez la majorité des adultes, ce qui suggère que c’est une caractéristique génétique. Les études récentes ont aussi mis en évidence des connexions étroites entre le système linguistique et les systèmes attentionnel et social situés dans les régions frontales et qui accroissent l’efficacité des perceptions linguistiques. 

Le jeune enfant acquiert ensuite la structure syntaxique de la phrase vers 2 ans, au fur et à mesure que les mots sont entendus, sans attendre la phrase complète. Un bébé de quelques jours sait aussi associer le nombre d’objets vus et le nombre de sons entendus. A quelques mois, il a conscience du nombre d’objets qui l’entourent et procède à des opérations simples.

Des interactions, bénéfiques pour l'apprentissage de l'enfant

Même si la progression du développement est globalement la même chez tous les enfants sains, il existe une certaine variabilité dans les acquisitions des bébés (par exemple pour la marche, pour le premier mot). Même si le cerveau du bébé est programmé pour apprendre, les interactions sont la condition de cet apprentissage. Cette maturation lente, propre à l’espèce humaine, dépend d’un environnement propice, attentif. L’exposition à des toxiques in utero (ex. l’alcool), des mauvaises conditions de soins, compromettent lourdement le développement de l’enfant à long terme. Grâce aux parents et aux bébés qui ont participé depuis une vingtaine d’années aux recherches en neuroimagerie sur le développement du cerveau, les connaissances sur le bébé sain ont grandement évolué, permettant une meilleure compréhension des mécanismes cérébraux à l'oeuvre dans el dévelopepment des bébés.

, Docteur en pharmacie
Docteur en pharmacie, Sylvie Roy a exercé en officine. A la suite d'une formation juridique complémentaire, elle a travaillé à la Direction Générale de la Santé, dans la sous-direction...
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